Survie Lorraine |
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La Côte
d'Ivoire
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Lutter contre la banalisation du génocide |
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Comment prévenir le pire La Côte d'Ivoire, grand pays
qui paraissait stable et relativement prospère dans les années
80, a pu alors être avancé par certains comme modèle.
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Liens La page dédiée au pays sur
le
site de Survie Bas-Rhin
Des explications et une analyse
de François-Xavier Verschave, sous forme de question/réponses,
entre autres sur la Côte d'Ivoire, du forum en ligne d'un > http://www.nouvelobs.com/forum/archives/forum_185.html Recherche "Côte d'Ivoire" par Google sur le site de Survie France : > http://www.google.fr/search?q=site:www.survie-france.org+cote+ivoire Une interview de Tiken Jah Fakoly, chanteur ivoirien membre de Survie, à l'occasion de son concert à Nancy |
Analyse de la situation Ivoirienne Intervention de François-Xavier Verschave à la journée Côte d'Ivoire du 11 janvier 2003 à Grenoble |
[équivalent 8 pages] Bonsoir. On m'a demandé de fournir quelques
éléments historiques au débat sur la Côte
d'Ivoire et une explication sur les causes de la situation actuelle.
Je vais donc fournir quelques indications. A l'époque la Françafrique était une espèce de continuité rêvée et idéale entre la France et l'Afrique, au profit d'un petit nombre évidemment. C'est ce que Jean-Pierre Dozon, un expert africaniste de ces questions, appelle dans un récent numéro des temps modernes " un état franco-africain ". Ou, comme dirait André Tarallo d'Elf, " un état en indivision ", comme disent les corses. On pourrait dire encore " une marmite commune où tout le monde se sert ". Enfin du moins ceux qui ont accès à la marmite...Il faut comprendre que, quand on a comme cela un état franco-africain, l'indépendance octroyée est illusoire et partielle. C'est comme si on n'avait jamais coupé le cordon ombilical, c'est comme un enfant dont les parois du crâne n'auraient jamais séché. Dans toute sa carrière, Houphouët Boigny n'avait aucun problème d'assurance. On lui disait " servez-vous, laissez-nous nous servir ". A La fin de sa carrière, sa fortune était égale à 60 milliards de francs. " Laissez-nous nous servir, et nous on va assurer en quelques sorte vos arrières ", avec notamment le soutien du franc CFA - Colonie Française d'Afrique, si vous me permettez l'ironie... " Vous n'aurez pas trop à vous soucier de la police ou de la sécurité, parce que ce seront des gens des services secrets français qui vont assurer votre sécurité. Il y aura un tunnel entre votre résidence et l'ambassade de France. Il y aura des accords de défense, et vous n'aurez pas besoin d'une armée nationale ivoirienne. L'armée française sur place se chargera de vous aider à mater les éventuels rebelles. Vous êtes donc assuré contre tout risque économique, politique, ou autre ". Bref voici la Côte d'Ivoire dans une sorte de protectorat français. Je ne vais pas vous refaire toute l'histoire
de la Françafrique, de cette négation des indépendances
et de la mise en place d'un mécanisme en iceberg où
la relation officieuse de négation des indépendances
est neuf fois plus importante que la relation officielle de déclaration
de l'indépendance. Je voudrais simplement en montrer quelques
conséquences, qui ont une importance immédiate sur ce
qui se passe aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Ce discours d'instrumentalisation de
l'ethnisme, on ne l'a pas vu qu'en Côte d'Ivoire. On l'a vu
au Rwanda d'une manière hystérique. Ces ressorts là
marchent s'il n'y pas une extrême vigilance devant ces mécanismes
d'instrumentalisation. Parce que tout cette haine n'existait pas avant.
Ce sont des gens qui utilisent cette stratégie pour se maintenir
au pouvoir. Il y a un virus contre lequel les africains doivent lutter
: c'est se dire que cet ethnisme n'est pas en eux, c'est quelque chose
d'instrumentalisé par des politiciens en fin de course. L'autre conséquence de ce fonctionnement type Françafrique, c'est que la Côte d'Ivoire a été l'une des bases pendant très longtemps d'un certain nombre de manoeuvres aventuristes de la Françafrique. Houphouët était le grand allié de Foccart. Ils se téléphonaient tous les jours. Il y avait une extrême connivence entre eux. Citons deux de ces aventures : la guerre du Biafra pour arracher les provinces pétrolières du Nigéria (une guerre de 2 millions de morts). Une autre qui a des conséquences directes : le complot de la France avec Foccart, de la Libye avec Kadhafi et d'Houphouët pour renverser et tuer Sankara en 1987. Sankara gênait énormément de monde. D'abord la Libye, qui comme tout le monde ne le sait pas, est une grande alliée de la Françafrique depuis une quinzaine d'années. La Libye excelle dans ses entreprises de déstabilisation. Le jour de l'assassinat de Sankara, il y avait à Ouagadougou un personnage qui deviendra célèbre par la suite : Charles Taylor, déjà l'ami de Blaise Compaoré. En fait le meutre de Sankara est en quelques sorte un meurtre fondateur d'un pacte de sang, ce que j'appellerai le " consortium de Ouaga ". Celui-ci allie la Libye, Compaoré, des gens en Côte d'Ivoire dont le général Guéï, Houphouët à l'époque, des gens comme Taylor, et un bout de Françafrique, d'obédience plutôt pasquaïenne. A partir de 1987, le Burkina sous Compaoré est devenu la plate-forme centrale de manoeuvres de déstabilisation en Afrique : le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée. Des manoeuvres hautement profitables menées par des seigneurs de la guerre, où l'on voit fleurir trafic d'armes, de drogues, de matières premières, de diamants, etc. Un garde du corps de Kadhafi racontait que celui-ci, avec sa légion entretenue en Libye, a attiré des gens qui avaient des envies révolutionnaires, dans toute l'Afrique. Et on comprend qu'un certain nombre de gens aient des envies révolutionnaires en Afrique Mais Kadhafi les a attiré en leur disant " je vais vous entraîner, vous fournir des armes, etc ". Et quand un chef d'Etat venait en Libye -pour recevoir généralement une valise- on lui montrait en même temps l'une des 253 rébellions africaines entretenues par Kadhafi dans ses différents camps d'entraînement et qui pouvaient éventuellement être envoyées contre ce chef d'Etat si celui-ci se mettait à ennuyer la Libye. Il y a donc une espèce de stratégie permanente de la Libye à jouer à la fois à la carotte et le bâton, procédé très classique. Et on connaît les dégâts extraordinaires que cela a provoqué en Afrique. Deux ans à peine après l'installation de Compaoré au Burkina, Taylor a attaqué le Libéria. Il a tellement détruit ce pays qu'à la fin les gens ont voté pour lui en le suppliant d'arrêter l'horreur. Deux ans après, il a envoyé le RUF en Sierra Leone. Donc tous ces gens là - Compaoré, Taylor, Houphouët- ne sont pas vraiment des enfants de choeur. A la mort d'Houphouët, la succession est très difficile : il n'y a en quelque sorte pas d'Etat ivoirien, et Houphouët avait tout fait -comme les gens qui veulent rester longtemps au pouvoirpour saboter sa succession, pour la rendre inextricable. Il y a en liste le fils adoptif Bédié -dont certains affirment qu'il serait le fils naturel- mais aussi un certain Ouattara, qui était le premier ministre. Et ces deux là se sont disputés pendant ces quelques années. Il y a aussi Laurent Gbagbo, opposant authentique, mais qui se rendait compte que sa base électorale était insuffisante. Au début des années 90, Gbagbo s'est donc mis lui aussi à emboîter sur le slogan de Bédié, l'ivoirité. Tous ces successeurs potentiels se sont dits " pourquoi ne pas utiliser l'arme ultime du politique ? Celle du bouc émissaire. " Et cela nous considérons que c'est un crime. On parle de 3 armes de destruction massive : nucléaire, biologique, chimique. On oublie de dire qu'au Rwanda a été inventée une arme extraordinaire à travers l'incitation à la haine ethnique. Celle-ci est capable de mobiliser deux millions de civils à travers la radio de la haine pour en massacrer un million d'autres. Et ce type d'armes est aussi condamnable du tribunal pénal international qui est en gestation. Il faut apprendre à reconnaître cette arme et à la dénoncer avec la plus extrême vigueur car une fois qu'elle est déclenchée on ne peut plus l'arrêter. Et bien entendu si la guerre reprend, et s'il y a des massacres dans les villages, Gbagbo pourra dire " ce n'est pas moi qui ai massacré, je n'y suis pour rien ". Sauf que quand on a mis en place ce type de mécanisme, on doit rendre des comptes. Vous avez donc à la fin des années
90 Bédié, pas très bon chef d'Etat, qui mène
mal la Côte d'Ivoire -qui par ailleurs est ruinée. Et
aussi un autre phénomène en jeu à travers l'Afrique
: un certain mouvement de sous-officiers avec des envies révolutionnaires.
Là-aussi on ne peut pas leur jeter totalement la pierre, car
la situation de l'Afrique n'est pas terrible
Cependant, par expérience
je pense que le choix de la violence dans les renversements de régime
donne assez rarement des résultats positifs. Depuis 15 ans, il y a des constitutionnalistes
qui s'arrangent pour dire que si le principal opposant du régime
a 63 ans, on limite l'âge pour se présenter à
62 ans. Là, on a ergoté indéfiniment avec beaucoup
plus de venin, sur le fait que Ouattara avait exercé dans d'autres
pays en tant que fonctionnaire international. Par conséquent
on a tout fait pour éliminer deux des quatre principaux candidats.
Chaque candidat est en quelque sorte représentatif d'une des
quatre régions de Côte d'Ivoire : Guéï, Gbagbo,
Bédié et Ouattara. On s'est arrangé pour éliminer
deux d'entre eux. Gbagbo a été élu par une toute
petite minorité du corps électoral, donc sa légitimité
n'est pas terrible. A partir de là, se sentant minoritaire,
dans un pays en grande difficulté financière, il décide
de s'appuyer à fond sur ses partisans. Il recrute dans la gendarmerie
sur les bases de se région d'origine : il met en place des
miliciens capables de mener la terreur dans les quartiers. Il tombe
également sous la coupe de pasteurs charismatiques évangéliques
américains. Tout le monde sait également que du côté de Jacques Chirac, on n'était pas très content de Gbagbo qui voulait remettre en cause le monopole de Bouygues dans l'électricité et dans l'eau, qui voulait aussi éventuellement refuser qu'un troisième pont prévu à Abidjan aillent au chinois plutôt qu'à Bouygues. Donc, cette rébellion, quels que soient les objectifs de certains de ces dirigeants, est une rébellion qui est soutenue par des gens peu recommandables. Elle augure des faits semblables à la destruction du Sierra Leone et du Liberia. Pour nous, il est clair que dans l'état actuel de la Côte d'Ivoire, quels que soient les responsabilités passées, si on déclenche la guerre totale dans un sens ou dans l'autre, il y aura d'immenses massacres. C'est pourquoi notre position est claire : la priorité pour les militants que nous sommes c'est d'éviter les massacres, éviter un autre Rwanda, éviter que les bouts de braise s'enflamment. A la fin tout le monde sera victime,
tout le monde est détruit. Quand un peuple s'entretue, tout
le monde a sa vie ruinée. Il s'agit d'éviter cela. Je
vais vous dire quelque chose d'étonnant : La France dans cette
affaire a eu d'abord un réflexe positif, qui devait venir sans
doute de la honte et du crime commis au Rwanda. L'armée française,
parfaitement informée, savait que la poursuite de cette rébellion
-qui à un moment donné était tout à fait
incontrôlée- aboutirait à des massacres. Donc
elle a joué un rôle d'interposition. Nous disons que
c'est très bien, c'est ce qu'il fallait faire. On pourrait
souhaiter qu'il y ait un pompier interafricain, mais on a vu malheureusement
que ce pompier mettait trois ou quatre mois minimum à se déplacer
Mieux
vaut un mauvais pompier pas très légitime que pas de
pompier du tout. Réponse de François-Xavier
Verschave aux interventions du débat. APPEL UR |
Communiqués Survie |
Les événements
d'Abidjan disqualifient un dispositif incurablement Le dispositif de bases et troupes militaires françaises en Afrique est depuis plus de 40 ans l'un des piliers de la Françafrique, ce système néocolonial de confiscation des indépendances africaines, de pillage des ressources, d'escroquerie financière, de dictatures « amies de la France », de manipulations barbouzardes, d'instrumentalisation de l'ethnisme et de fomentation de guerres civiles. Ces bases (quelque 6 000 hommes au total) concourent au maintien des dictatures tchadienne, djiboutienne et gabonaise. Directement issues des troupes coloniales, les forces françaises opérant en Afrique n'ont jamais été incitées à se départir de leur postulat d'origine, selon lequel la vie d'un « indigène » n'est que quantité négligeable face aux « intérêts de la France » (ceux, en réalité, des lobbies coloniaux puis néocoloniaux). Ce qu'elles ont fait exactement au Rwanda, comme principal instrument de la complicité française avec les génocidaires, demeure toujours frappé du plus grand secret. La Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny a été un « modèle » françafricain de pillage des ressources et de l'argent public. Le protectorat français ne lui a pas permis de traiter (comme c'est le devoir et l'honneur d'un pays indépendant) des questions aussi cruciales que la citoyenneté, le droit foncier, la sécurité intérieure et extérieure, la diplomatie régionale. Houphouët, qui avait été l'un des principaux artisans de la mise en échec des projets d'unité africaine, puis l'un des relais des agressions françafricaines contre les pays anglophones d'Afrique de l'Ouest (Nigeria, Liberia, Sierra Leone), a aussi favorisé la rivalité entre les leaders politiques susceptibles de lui succéder. Depuis 5 ans, donc, la Côte d'Ivoire connaît une crise grave qui peut finir par l'embraser, ainsi que la sous-région. En 2002 ont été déclenchés un coup d'État puis une rébellion, correspondant certes à des problèmes réels de citoyenneté et d'accès à la terre, mais manifestement soutenus par les réseaux de la droite françafricaine et leur relais local, le dictateur burkinabè Blaise Compaoré, qui élimina en 1987 Thomas Sankara avec l'aide d'Houphouët et de Jacques Foccart, conseiller du Premier ministre français d'alors, Jacques Chirac. Rappelons que ce dernier est depuis trente ans parrain de la Françafrique. Devant les risques de pogroms suscités par cette guerre civile et l'absence d'alternative immédiate, Survie et de nombreuses associations françaises ont appelé en 2002 à ce que les troupes françaises stationnées sur place (le 43e BIMa) s'interposent en attendant une intervention des Nations unies. Une force de l'ONU est arrivée (l'ONUCI), mais les troupes françaises, considérablement augmentées en « opération Licorne », ont conservé un statut à part. Ces forces de tradition coloniale et néocoloniale auraient pu montrer leur conversion aux objectifs pacifiques de la Charte des Nations unies si, d'une part, avaient été tirées les leçons de leurs crimes passés (au Rwanda notamment), et si d'autre part le chef des Armées, Jacques Chirac, avait su se départir d'une gestion françafricaine de la suite des événements. Mais la Françafrique n'a pas voulu savoir que la trêve était très précaire. Forte de ses milliers d'hommes sur place, elle a cru pouvoir continuer son business as usual, jouant sur tous les tableaux économiques, politiques et barbouzards - sans guère réagir lorsque des civils étaient massacrés, et notamment à Abidjan fin mars 2004. Asservie aux évaluations fluctuantes des stratèges et entreprises françafricains, cette politique illisible (au regard des objectifs officiels) a soufflé successivement le chaud et le froid sur les parties en conflit, cherchant une fois de plus à les instrumentaliser. À ces jeux, l'Élysée s'est fait piéger. Cible du coup d'État de 2002, le président Laurent Gbagbo a compris le bénéfice qu'il pouvait tirer de trop de contradictions et de la présence d'une importante communauté française à Abidjan. S'appuyant sur l'inavouable du passé et du présent néocoloniaux, il a replacé le conflit intérieur dans cette seule dimension Abidjan-Paris. Or il est devenu facile de mobiliser le sentiment anti-français face à une Françafrique pillarde et oppressive, qui a beaucoup trop duré. Trop arrogant pour l'avoir perçu et peu soucieux du mandat onusien de Licorne, Jacques Chirac a ordonné une réplique disproportionnée à l'attaque subie le 6 novembre à Bouaké par un campement militaire français. Les blindés et les commandos français ont été envoyés occuper le points névralgiques d'Abidjan, dont l'hôtel Ivoire à proximité du palais présidentiel. Cela signifiait affronter la foule, et lui tirer dessus, à plusieurs reprises. Aller au massacre. Des dizaines de civils sont morts, plusieurs centaines au moins ont été blessés (le décompte précis des victimes de ces tirs resteà établir). Cette barbarie-là, longuement occultée par les médias français, les peuples africains ne la supporte plus. L'abîme est trop flagrant entre les moyens extrêmes mis en uvre pour protéger les vies et intérêts français, et le mépris des vies africaines que Licorne est censée préserver. Jacques Chirac doit comprendre qu'il s'agit du dernier massacre néocolonial. Définitivement, la France ne peut plus exercer sa tutelle sur le continent noir. Nous sommes aux côtés de l'Afrique qui s'en affranchit. Si l'Élysée s'acharne à prolonger la Françafrique, ne fût-ce que de quelques années, cela se fera de manière de plus en plus sale. Et pas seulement pour les Africains. Il reste très peu de temps pour annoncer et engager de manière crédible un changement radical de la politique africaine de la France. Ce dont notre pays a à rougir, il ne lui reste qu'à le reconnaître et le corriger pour retrouver un peu d'honneur. Le premier acte de ce changement consiste à constater que la présence de troupes françaises au nom de l'héritage colonial est indécente. Imposée par des « accords de défense » lors des pseudo-indépendances, elle n'a jamais été avalisée par des instances démocratiques africaines. Seules ne doivent rester possibles que des interventions multilatérales demandées par l'ONU. Mais il faut d'abord marquer par un retrait la rupture avec le passé. Dans le cas précis de la Côte d'Ivoire, une fois admise l'incompétence du pompier pyromane, il reste aux peuples d'Afrique et à leurs institutions en pleine émergence, l'Union africaine et les organisations régionales, à se montrer à la hauteur des périls - quitte à exiger pour leur action, en partie requise par les séquelles de la colonisation européenne, un apport matériel et financier. Si ces instances africaines ne se montrent pas assez réactives, c'est aux opinions publiques et aux forces citoyennes de les y pousser. En même temps, Survie soutient les demandes parlementaires d'une commission d'enquête sur les faits et décisions qui ont amené l'armée française à tirer sur la foule abidjanaise. À cette occasion, Survie réitère son hostilité au fonctionnement monarchique français, qui a permis tant de dégâts et de crimes en Afrique sans que le Parlement veuille ou puisse s'y opposer. Nous demandons à ce dernier de se ressaisir. Le précédent communiqué
sur ce pays > Publié le lundi 15 novembre, 2004 Après cinq journées de violences d'une intensité inédite dans l'histoire récente du pays, du 6 au 10 novembre, la tension semble baisser en Côte d'Ivoire, même si pour l'instant de nombreux signes indiquent que la situation est loin d'être apaisée et pourrait s'embraser à nouveau. À ce jour, il est encore difficile d'établir un bilan exhaustif des conséquences humaines et matérielles. Il est à espérer que les enquêtes en cours pourront cerner l'ampleur de cette flambée de violences et révéler ses causes immédiates. Au moment où les esprits retrouvent une sérénité propice à la réflexion, l'heure n'est-elle pas venue d'analyser sans passion ce qui se passe sous nos yeux pour déterminer si vraiment le pire est irréversible dans ce pays, comme certains nous le prédisent ? Sans négliger le besoin impérieux de compter les morts et d'estimer les dégâts matériels causés, Survie voudrait inviter les Ivoiriens, les Africains, les Français, toutes les personnes éprises de justice et de paix à concentrer leur attention et se mobiliser désormais vers la tâche la plus urgente de l'heure, au delà des vérités et des mensonges des uns et des autres : le devoir de sauver les vivants ! Aucun Ivoirien, aucun Français
ne doit limiter sa vigilance citoyenne à la seule préoccupation
(légitime) de savoir le tort subi par ses compatriotes. Après
le récent drame qui frappe nos peuples, il faut s'obliger
mutuellement à identifier le bon itinéraire pouvant
conduire à la paix. Tel est le défi que nous lance
l'histoire, le seul combat qui mérite aujourd'hui d'être
mené par qui veut rendre à la Côte d'Ivoire
et tous ses habitants, qui tiennent une place centrale dans la région
et le continent, toute son intégrité physique et morale.
Ce combat exige de dépasser les vérités partielles,
les Une analyse attentive de la situation montre clairement que toutes les parties au conflit (le régime de Laurent Gbagbo, les ex-rebelles et leurs soutiens, les autres forces politiques ivoiriennes, la France) fondent chacune leurs actions sur des aspirations et des principes légitimes, mais toutes usent et abusent de mensonges et de demi-vérités, sans hésiter à recourir à des moyens peu recommandables quand leurs intérêts sont menacés. Nous ne devons pas être dupes de ces manipulations. Alors que toutes les parties ont admis les accords de Marcoussis et Accra III, on constate que chaque protagoniste s'en sert , non pas pour aller vers la paix, mais pour préparer et faire la guerre. Nous devons refuser ces calculs politiciens et affirmer des exigences claires qui favorisent l'ancrage réel d'un processus de paix en Côte d'Ivoire : La France et l'ONU, doivent reconnaître clairement et publiquement (mieux vaut tard que jamais) que le régime de Laurent Gbabgo, légalement institué et reconnu tel par la Communauté internationale, a été victime d'un coup d'État doublé d'une agression soutenue par des États étrangers dont le Burkina Faso de Blaise Compaoré. Cette reconnaissance doit être assortie de sanctions claires contre tous les soutiens des rebelles de septembre 2002. Le régime de Laurent Gbagbo et les Forces Nouvelles devront répondre des violations massives des droits de l'homme. À ce propos, le récent rapport de l'ONU ayant établi ces violations doit être publié in extenso et sans édulcoration dans les plus brefs délais. Une Mission analogue devra enquêter sur les récentes barbaries commises depuis la reprise des hostilités le 4 novembre 2004. Nous suggérons la création d'une Commission d'enquête parlementaire franco-africaine par le prochain Sommet de la Francophonie à Ouagadougou pour faire le bilan de l'opération Licorne, examiner si elle a encore sa place dans ce pays et pour quoi faire. Cette Commission devrait aussi lister l'ensemble des intérêts économiques français en Côte d'Ivoire, puis indiquer si et comment ils peuvent être défendus dans l'intérêt commun des deux peuples. Plus généralement, la situation présente montre qu'il est plus que temps de rompre avec les pratiques parallèles, politiques, militaires et économiques de la Françafrique. Plus la France tarde à tourner la page néocoloniale, plus les réactions de désespoir seront brutales. La fin des ingérences doit s'accompagner d'une montée rapide de la prise des responsabilités africaines, régionales (CEDEAO) et continentale (Union africaine). Il s'agit notamment d'éviter que les adversaires de la paix n'attisent les leviers de la haine et n'embrasent la région. La Côte d'Ivoire est aujourd'hui dans une situation socio-politique très grave qui appelle une vigilance citoyenne en France et en Afrique, des actions claires et déterminées de la France, de la Côte d'Ivoire, de l'Union Africaine, de l'ONU pour conjurer le pire. Après la récente flambée de violences et son cortège de morts, de vies brisées, meurtries, l'heure est venue d'identifier les calculs meurtriers, s'obliger mutuellement à les rejeter et enfin agir avec sérieux. |
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