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François Mitterrand, et l'Afrique, petit inventaire

"Un génocide dans ces pays là, ce n'est pas trop important" (9)

Le 8 janvier 2006 marque le 10ème anniversaire de la mort de François Mitterrand. Il y a fort à parier que les rétrospectives et les hommages se garderont bien d'évoquer un aspect de sa vie qui reste encore aujourd'hui soigneusement occulté : le rôle essentiel du président Mitterrand dans la perpétuation d'un néocolonialisme meurtrier de la France en Afrique. Lorsqu'il accéda au poste de 1er ministre, Lionel Jospin plaida pour un " droit d'inventaire du mitterrandisme ", s'attirant les foudres du premier cercle des mitterrandiens du parti socialiste. Aujourd'hui, 10 ans après sa mort, l'inventaire reste à faire…

Pourtant, Mitterrand lui-même ne s'en cachait pas. Au sujet de son expérience comme ministre de la France d'outre-mer (des colonies) en 1950 - 1951, Mitterrand expliquera plus tard : " [c'] est l'expérience majeure de ma vie politique dont elle a commandé l'évolution. " 1 Durant les années 50, il défend avec virulence le colonialisme français 2 . Plus tard face au mouvement indépendantiste algérien, il affirme : " La seule négociation, c'est la guerre. ". Et il ne change pas d'appréciation après les (fausses) décolonisations : " Ce à quoi je croyais il y a 20 ans, j'y crois encore. " 3 ou encore : " La France reste celle qui conduit, celle dont on a besoin, celle à laquelle on se rattache. Il ne pourra y avoir d'histoire de l'Afrique si la France est absente. " 4

Le discours évolue pourtant à l'approche des années 80 et la candidature Mitterrand de 1981 suscite d'immenses espoirs chez les peuples africains opprimés par des dictatures installées par la France dans ses " anciennes " colonies, par des coups d'Etat, des interventions militaires et une corruption généralisée. Au Togo, au Tchad, au Cameroun, en Centrafrique, au Gabon, aux Comores, en Côte d'Ivoire, dans les deux Congo et dans tous les autres pays du " pré carré " français, on se prend à espérer la fin de la dictature, la fin du pillage généralisé des matières premières, et le droit, enfin, à une véritable indépendance.

Cet espoir sera rapidement trahi. Pour avoir voulu prendre ces promesses au sérieux, revoir les accords de coopération militaire, Jean-Pierre Cot, nouveau ministre de la coopération, sera rapidement démis de ses fonctions. Mitterrand maintient la toute puissance de la cellule africaine de l'Elysée pour faire et défaire " ses " régimes africains. Barbouzeries, coups d'Etats, interventions coloniales, et massacres en tous genres se succèdent au nom de la " raison d'Etat " 5 dans les pays que l'on prétend généreusement aider, perpétuant le système de prédation et les réseaux instauré par Foccart pour le compte de De Gaulle au début des années 60. Au milieu des années 1980, et particulièrement en 1986, le président du Burkina-Faso Thomas Sankara marque son désacord vis-à-vis du type de relations politiques et économiques franco-africaines, qu'il estime en opposition avec les intérêts de son pays et son développement. Il est assassiné en 1987 par des militaires formés en France. Du début de la présidence (" Je ne peux pas me résigner - et je m'y refuserai - à la disparition de la France de la surface du globe, en dehors de son pré carré. " 6 ) à la fin du second septennat (" Je le dis solennellement : la France doit maintenir sa route et refuser de réduire ses ambitions africaines. La France ne serait plus tout à fait elle-même si elle renonçait à être présente en Afrique " 7 ) la logique néo-coloniale reste la même.
Le pire sera atteint au milieu des années 90 avec le génocide au Rwanda. Pour des raisons qui restent encore à élucider (refus de voir un pays s'émanciper de la tutelle française, intérêts géostratégiques avec le riche Zaïre frontalier, trafics d'armes et de matières nucléaires, laboratoire au profit de l'armée française qui veut perfectionner et expérimenter sa doctrine de la " guerre totale "…) Mitterrand sera le principal artisan du soutien au régime raciste du dictateur Habyarimana. C'est lui qui décide d'envoyer l'armée en 1990 pour maintenir en vie un régime d'apartheid menacé de l'intérieur et de l'extérieur. C'est la France qui va former l'armée et les milices rwandaise au moment même ou le génocide est planifié et publiquement annoncé par les médias racistes, dont la célèbre RTLM. C'est la cellule Africaine de l'Elysée qui va organiser la guerre secrète et le soutien financier, politique, militaire de la France aux génocidaires, avant, pendant et après le génocide.8 En plein génocide, fin avril 1994, Mitterrand recevra officiellement à l'Elysée Jean Bosco Barayagwisa et Jérôme Bicamumpaka, deux hauts résponsable de l'extermination des Tutsi. A la fin du génocide, il déclarera même : " Dans ces pays là, un génocide, ce n'est pas trop important. " 9 Après le génocide, il entonnera le couplet négationnistes des génocidaires, parlant " des " génocides au Rwanda, pour renvoyer dos à dos victimes et bourreaux.10
Si le rôle de François Mitterrand fut important, il serait toutefois inexact de tout ramener à sa personnalité. Il s'agit moins d'un homme que d'un système, mis en place avant Mitterrand, qui lui succèdera, et qui se poursuit encore de nos jours. Sous tous les gouvernements depuis 40 ans, la politique africaine de la France est d'une continuité exemplaire dans le crime et le cynisme. La lutte contre la Françafrique reste plus que jamais d'actualité.

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(Survie 13)
1 - Politique, 1977, p. 53
2 - Notamment dans un livre intitulé Présence française ou abandon ?, 1957.
3 - Politique, présentation.
4 - Politique, p. 86.
5 - Pour une présentation presque exhaustive, voir les désormais célèbres La Françafrique,et Noir Silence de F. X. Verschave.
6 - Le Monde, 18/11/1983.
7 - Discours d'ouverture de la conférence France-Afrique de Biarritz, 8/11/1994.
8 - Voir notamment : L'Horreur qui nous prend au visage, l'Etat français et le génocide au Rwanda (et sur internet : http://cec.rwanda.free.fr/) ; La Nuit Rwandaise, l'implication française dans le dernier génocide du siècle, de JP Gouteux ; L'inavouable, la France au Rwanda, de P. de St Exupéry. et la page Rwanda.
9 - Confidence de Mitterrand faite à l'un de ses proches, rapporté par Le Figaro du 12/01/1998.
10 - Sommet France-Afrique de Biarritz, communiqué de presse distribué aux journalistes.

 

 

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